Freitag, 6. November 2009

1989 : mes souvenirs


Mes remerciements à Bernadette Desorbay pour les corrections

Le 9 novembre 1989, la date officielle où le Mur de Berlin est tombé. Dans ma vie, la chute du Mur a eu lieu trois jours avant cette date. Le 6 novembre 1989, j´avais décidé de quitter la RDA pour toujours.
À ce moment-là, j´avais 20 ans et j´étais en train de faire des études en économie du tourisme. Je n´avais pas le droit de faire des études de langues pour devenir interprète parce que j’avais de la famille à l´Ouest. Deux oncles s´étaient enfuis de la RDA. Les responsables distinguaient les « cadres à qui ils permettaient de voyager dans des pays non socialistes » et les autres. Moi, je faisais partie des autres et je n´étais pas prête à intégrer le parti unique SED pour en tirer des avantages.
J´avais l´impression que la situation dans ce pays gris, où l´individualisme n´avait que très peu de place et où j´avais du mal à respirer, ne changerait jamais. Nous avions suivi avec beaucoup d´espoir la visite de Michael Gorbatchev dans notre pays. Pour nous, c’était un héros qui avait introduit la glasnost et la perestroïka en Union Soviétique, des changements dont le système figé de la RDA aurait eu besoin. Or, nos dirigeants, surtout notre chef d´État Erich Honnecker, rejetaient toutes les pensées réformistes malgré les masses de citoyens qui s´enfuyaient chaque jour. Les dirigeants refusaient de voir la réalité. Je me rappelle bien le jour où des trains bondés de réfugiés est-allemands ont traversé la RDA et la gare de Dresde, la ville où je faisais mes études. Des milliers de personnes ont essayé d´aller à la gare et de monter dans les trains mais la police frappait les gens brutalement, il y a même eu un mort. Quelques jours plus tard, je suis tombée par hasard, avec une copine, sur la première grande manifestation politique à Dresde. Nous avions très peur, car les policiers pointaient des fusils en direction des manifestants, mais nous avions le sentiment d´assister à un moment historique. Nous avons ensuite suivi les réactions de la classe politique et étions convaincus que ces vieux hommes n´avaient rien compris.

Le week-end autour du 4 novembre, j´ai entendu à la Radio (Bayern 3) que la Tchéquie ouvrait ses frontières avec l´Allemagne de l´Ouest aux refugiés de la RDA qui n´arrêtaient pas d´arriver à l´ambassade de Prague. Je me suis dit que c’était la seule possibilité de passer cette frontière et de voir ce qu´il y avait de l´autre côté. Mes parents m´ont comprise. Mon petit ami d´antan, Stefan, a décidé de m’accompagner avec la voiture de son père, une Wartburg. Le jour du notre départ, il y a eu une surprise. On était à trois. La voiture était un bien précieux en RDA, on attendait en général 20 ans pour en obtenir une. Le père de Stefan venait avec nous (ou, pour mieux dire, avec la voiture). Au poste frontière de Schirnding, il y avait une queue de voitures du type Trabant ou Wartburg d´une longueur de plusieurs kilomètres : des familles avec enfants et des grands-parents, des couples, des citoyens de la RDA de tous les âges, qui voulaient partir. La grande surprise : les Tchèques nous laissaient passer sans nous contrôler. Ensuite il a fallu attendre, attendre... Des rumeurs passaient d´une voiture à l´autre. Est-ce qu´ils pourraient faire face à cette invasion? Allaient-ils fermer la frontière avant qu´on n’ait passé le poste ? Après huit heures d´attente, ce fut enfin notre tour de passer.

Les policiers ouest-allemands étaient, à notre grande surprise, d´une incroyable gentillesse et très patients. Ils distribuaient des cartes routières et donnaient des conseils. Des volontaires de la Croix rouge nous apportaient des boissons chaudes. Il était prévu qu´on aille dans un camp de réfugiés. Stefan connaissait toutefois un jeune couple qui habitait tout près et qui nous a reçus spontanément vers 11 heures du soir dans leur petit appartement. Il faisait noir dehors, mais je me rappelle malgré tout ma première impression : toutes ces couleurs ! J’ai continué à être dépassée tous les jours qui ont suivi, au spectacle de la publicité qu’on trouvait partout et que je n’arrêtais pas de regarder attentivement. J´avais des maux de tête et j´étais fatiguée. Ma deuxième impression : tout était vraiment très propre et bien rangé. Nos hôtes avaient commandé des pizzas par téléphone - quelque chose de complètement inimaginable pour nous... Nous avons discuté presque toute la nuit avec nos deux amis de Marktredwitz. Beaucoup d´Allemands de l´Ouest étaient très enthousiastes et solidaires à ce moment-là. Les gens klaxonnaient sur les autoroutes et nous faisaient signe de la main, ils nous parlaient pendant les pauses et voulaient en savoir plus sur la situation à l´Est. Un Monsieur est venu nous offrir une bouteille de champagne. Nous sommes ensuite allés à Aalen, près de Stuttgart pour rendre visite à une autre famille que Stefan connaissait suite à un échange d´orchestres. C´est chez eux que nous avons entendu, le 10 novembre à 6 heures du matin au réveil-radio, que le Mur était tombé. Je ne l´ai cru qu’après avoir allumé la télé et vu les images des gens qui dansaient sur le Mur. On était complètement surpris et je pleurais de joie. J’avais en effet souffert à l’idée que je ne pourrais plus voir ma famille et mes amis pendant quelques années parce que j’avais fui la RDA.

L´atmosphère chez nos compatriotes de l´Ouest commençait néanmoins à changer. J´ai voulu voir mon oncle à Stuttgart, qui s´était enfui dans un coffre de voiture avec sa compagne dans les années 70. Elle m´a ouvert la porte en disant : « C´est pas vrai ! Voilà que tous les Ostlers (gens de l´Est) nous tombent dessus ! » et bien sûr elle n´avait pas de place pour nous dans la grande maison où elle habitait avec ses chats. Pour sa part, mon oncle avait mauvaise conscience. Il m´a emmenée dans un resto chic et cher et puis dans une discothèque tenue par la secte de Bakwan, où nous avons été servis par des disciples du grand maître, en tenue orange.

Ensuite, j´ai passé des jours désagréables à Stuttgart. Une connaissance de Stefan avait insisté pour lui montrer le « quartier chaud » de la ville. J´ai été vraiment choquée de voir des prostituées prostituées offrir leurs corps dénudé derrière des vitres illuminés comme une marchandise. Mon copain a disparu dans un bar avec son père et leur ami et je me suis retrouvée toute seule dans la rue, où j’ai attendu au milieu de dealers et d´autres créatures sinistres. Heureusement, je connaissais une amie de ma grande-mère à Stuttgart, qui m´a accueillie. Fin d’une histoire d´amour.

Je me suis aussi renseignée pour continuer mes études à l´Ouest, mais ils n´auraient reconnu aucun de mes examens. J´avais envie de partir en France et je me suis dit qu´il valait mieux retourner en Allemagne de l´Est pour terminer au moins l´année et partir ensuite. Le père de mon ex me proposait de revenir avec eux et j´ai accepté. J´étais convaincue que la chute du Mur était irréversible et qu´on pourrait desormais voyager comme on voulait. Après huit jours, ma grande fuite était terminée. Il fallait encore attendre quelques mois pour voir Paris et deux ans pour partir vivre en France. Mon rêve s´est enfin realisé.

Foto: Fotoglif/European Pressphoto Agency

2 Kommentare:

  1. Ein ziemlich langer Text fürs Internet, aber der Anfang liest sich ganz spannend. Werde ihn wohl ausdrucken und in Ruhe in der U-Bahn lesen. Ansonsten sollten wir heute einfach feiern! Christian grüßt Berlinoise und alle anderen Menschen, die sich über den Mauerfall immer noch freuen können, weil sie "die Welt" sonst wohl nie zu Gesicht bekommen hätten!

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  2. Das Ereignis hat ja schon ein paar Zeilen mehr verdient, oder? Viel Spaß beim Lesen und der Feier. Werde heute Abend auch feiern gehen. Bonne fête:-)

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